Bâtir la Société Civile en Irak

En Irak, Alternatives met en œuvre un programme qui vise à favoriser l’émergence d’une société civile dynamique et de médias pluralistes et indépendants, capables de promouvoir les droits économiques, sociaux, politiques et culturels de tous les Irakiens et à appuyer la démocratisation du pays. Financé par l’Agence canadienne de développement international (depuis 2005) et la Commission européenne (2009-2010), ce programme comprend deux principales composantes : le renforcement de la société civile irakienne et l’appui aux médias irakiens.

Malgré les défis que comporte le travail en Irak, vu l’insécurité, la guerre civile et la défaillance des infrastructures, le programme marque des progrès incontestables, tant au niveau des médias que de la société civile. Ce succès incombe principalement à sa structure fondée sur :

  • Une approche internationale multilatérale et concertée, qui s’appuie sur un solide partenariat entre des organisations irakiennes, françaises et canadiennes. Cette dynamique facilite l’échange d’informations, d’expertises et d’expériences et permet un certain décloisonnement de la crise irakienne.
  • La nature des activités du programme axé sur le renforcement institutionnel, le développement des compétences techniques des partenaires, la conception d’outils de communication, l’appui de campagnes de plaidoyer et le renforcement de réseaux nationaux, régionaux et internationaux.
  • La diversité et la qualité des acteurs nationaux et la mise en commun de leurs compétences, leurs réseaux et leurs champs d’action.
Première composante : Renforcer la société civile irakienne

En 2005, Alternatives appuie la création d’un important réseau d’organisations sociales du pays, le Iraqi Democratic Future Network (Réseau irakien pour un avenir démocratique – IDFN). Le IDFN est un réseau indépendant et démocratique formé d’organisations issues de la société civile irakienne. Ce réseau travaille pour l’égalité, la justice, la solidarité, le développement social et la coexistence de diverses composantes de la société irakienne. Depuis sa création, il engage et facilite un dialogue constructif avec les élus, les fonctionnaires et les chefs traditionnels et religieux. Il mène, en coalition avec d’autres organisations sociales du pays, plusieurs campagnes de plaidoyer en faveur des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants et des minorités ethniques et religieuses, de l’éducation et de la démocratisation de l’Irak.

À travers des cycles de formation, un fonds de microprojets, des activités d’appui institutionnel, des conférences, des stages internationaux et la conception d’outils de communication, cette première composante du programme offre aux membres du réseau les compétences et les moyens nécessaires pour faire avancer les droits humains et la démocratisation du pays.

Deuxième composante : Appuyer les médias irakiens

Le pluralisme médiatique sans régulation et auto-régulation peut faire déraper les médias de leur fonction et les encourager à promouvoir la violence et la culture de la haine. De 2005 à 2007, la violence en Irak est à son apogée. Les médias à caractère ethnique, religieux et politique pullulent. Kurdes, Turkmènes, Arabes, sunnites, chiites et chrétiens possèdent leur propre empire médiatique et défendent leur propre agenda. Chaque groupe considère les médias comme un outil tactique indispensable pour appuyer un allié ou attaquer un adversaire. La représentation de l’Autre est basée sur l’exclusion. En 2008, un rapport de Reporters Sans Frontières révèle (pour la sixième année consécutive) que l’Irak demeure le pays le plus dangereux au monde pour exercer le métier de journaliste.

Dans ce contexte, le travail d’Alternatives et de ses partenaires irakiens visait la promotion des standards journalistiques internationaux en Irak et la rédaction d’un code déontologique pour la presse irakienne. Bien que plusieurs activités aient été organisées avec des dizaines de journalistes et de responsables de médias, la rédaction d’un code d’éthique se révéla plus difficile que prévu.

Lors de la 2e phase du projet, nous avons concentré nos activités à la presse écrite en travaillant essentiellement avec les cinq entreprises suivantes :

  • Aswat Al-Iraq est une agence de presse indépendante fondée par le PNUD et Reuters basée à Erbil, partenaire de la première phase du projet.
  • Al-Ahali est un journal hebdomadaire, libéral et indépendant publié en arabe, à Bagdad. Le personnel du journal a participé à la majorité de nos activités de la première phase.
  • Awene est un journal hebdomadaire et indépendant publié en kurde basé à Soulaymanya.
  • Assabah est un journal quotidien publié en arabe et financé par le gouvernement irakien. Il est basé à Bagdad et considéré comme le premier journal vendu en Irak.
  • Al-Adala est un journal quotidien en arabe, fondé par le Vice-président irakien Adel Abedelmehdi et connu par son orientation islamiste. Il est basé à Bagdad.
Quelques résultats-phare
  • Le fonds de micro-projets a permis le recrutement de plusieurs nouveaux bénévoles et membres ainsi que le développement de nouveaux bureaux régionaux.
  • Le plaidoyer mené par le réseau pour faciliter l’accès des veuves aux pensions de l’État a permis d’éliminer des restrictions discriminatoires à ces pensions, dont l’âge inférieur minimal pour accéder aux pensions (avant cette intervention, les femmes de moins de 50 ans n’avaient pas accès aux pensions).
  • Quelque 6500 veuves ont été inscrites auprès du Ministère du travail et ont reçu un accompagnement pour acheminer leur demande de pensions à travers les différents niveaux de gouvernement.
  • Résultant du travail d’Alternatives depuis 2003, le IDFN est l’un des plus importants réseaux d’observations électorales et jouit de l’appui financier de plusieurs organisations internationales dont Friedrich Ebert, UNAMI et UNOPS. Plus de 2000 observateurs ont été formés par IDFN, non seulement pour observer mais aussi pour suivre tout le processus électoral.
  • Les membres du réseau ont participé à plusieurs activités de résolution de conflit à l’échelle communautaire autour de la Loi 140 à Kirkouk (l’article 140 prévoit un processus en trois étapes pour renverser la politique d’arabisation de l’Administration de Saddam Hussein durant la campagne Al-Anfal). Les communautés ont émis plusieurs recommandations pour mettre fin aux divisions sectaires.
  • Nos partenaires, en coalition avec d’autres organisations de la société civile, ont mené un plaidoyer efficace qui a permis, au mois de février 2010, d’amender la loi des ONG et la rendre plus favorable au travail de la société et de l’engagement citoyen. Il s’agit de l’une des lois les plus progressistes de la région.
  • Le mouvement étudiant a réussi, grâce à l’appui d’autres secteurs de la société civile, à instaurer un système de transport gratuit pour tous les étudiants qui fréquentent les universités de Bagdad.
  • À travers la participation des partenaires à divers séminaires, stages et rencontres internationales (Italie, Maroc, Canada), les membres du réseau ont pu s’ouvrir sur la scène internationale et renforcer leurs liens avec des organisations nationales, régionales et internationales, notamment par la participation à des groupes de travail internationaux sur l’Irak.
  • Les journalistes sont mieux formés pour couvrir les élections et mieux outillés afin de ne pas être manipulés par les politiciens.
  • Les journalistes formés croient à la question de l’égalité entre femmes et hommes et en font la promotion par la publication d’articles qui tiennent compte de la dimension genre.
  • Les journalistes participants au processus de rédaction d’un code d’éthique interne pour leur organisation respective.
  • D’autres organisations de presse ont manifesté leur intérêt pour participer à nos activités et à adopter notre plan de travail, notamment la rédaction d’un code d’éthique interne pour le journal Rudaw à Erbil, la chaîne de télévision al-Iraqia ou la publication d’une page destinée aux femmes par le site d’information kurdistanonline.