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La restauration des mangroves face à l’essor du tourisme au Sri Lanka

Crédit photo : Mackenzie Campbell
Au Sri Lanka, la question de la déforestation des mangroves suscite une grande attention. En conséquence, plusieurs organisations et communautés côtières ont lancé des initiatives de conservation de ces écosystèmes fragiles, mais primordiaux. Cependant, plusieurs aspects de l’industrie touristique ont entravé ces efforts.

La nécessité des mangroves

Les mangroves sont un élément essentiel des écosystèmes tropicaux et subtropicaux, y compris ceux du Sri Lanka. Bien qu’elles ne représentent qu’un faible pourcentage de la superficie de l’île, environ 0,1 à 0,02 %, les mangroves sont des pôles de biodiversité. De la faune aux crustacés, de nombreuses formes de vie ont élu domicile dans les forêts de mangroves. Par conséquent, à mesure que la menace qui pèse sur les mangroves s’accroît, le risque d’extinction de nombreuses espèces augmente également. À l’échelle mondiale, les mangroves abritent environ 15 % des espèces menacées d’extinction. Plus alarmant encore, pour les espèces qui y vivent principalement ou exclusivement, le risque d’extinction augmente pour 44 % d’entre elles, menaçant la stabilité de tout l’écosystème.

Les mangroves ne font pas seulement partie intégrante de leur environnement naturel. Elles sont considérées comme une solution naturelle au changement climatique. Elles agissent comme des réservoirs de carbone en ayant la capacité d’en capturer et d’en stocker de grandes quantités. Les gaz à effet de serre (GES) présents dans l’atmosphère constituant une menace importante dans la lutte contre le réchauffement climatique, le potentiel des mangroves en tant que réservoirs de carbone est considérable. Cependant, la déforestation des mangroves crée un cercle vicieux qui rend la lutte contre le changement climatique d’autant plus difficile.

Les mangroves étant indispensables au maintien des écosystèmes sous-marins et terrestres, leur destruction a un impact direct sur les communautés locales de pêcheurs. Selon le ministère sri-lankais de la Pêche, le pays comptait 225 480 pêcheurs actifs en 2024. La dégradation des écosystèmes de mangroves menace directement le droit à l’alimentation et à la nutrition des communautés locales, car les espèces locales disparaissent.

Outre leur importance pour la pêche, les communautés locales dépendent des mangroves pour protéger les côtes où elles ont construit leurs habitations. Comme ils doivent vivre près de l’océan, de nombreux pêcheurs habitent à proximité ou directement sur le littoral. Au Sri Lanka, environ 33 % de la population vit le long des côtes. La crise climatique actuelle continuera de représenter une menace sérieuse pour les côtes. À mesure que le niveau mondial des océans augmentera, la force des vagues qui frappent les côtes augmentera également, ce qui en retour intensifiera le taux d’érosion de manière spectaculaire advenant la disparition des mangroves qui agissent comme des remparts contre la force des vagues.  Si les côtes deviennent inhabitables, les communautés de pêcheurs traditionnelles pourraient être contraintes de se déplacer vers l’intérieur des terres, ce qui rendrait inaccessible l’océan, leur moyen de subsistance et leur culture.

Conservation des mangroves au Sri Lanka

Crédit photo : Mackenzie Campbell

Compte tenu de l’importance des mangroves pour l’environnement et les communautés côtières, les populations locales et les partenaires internationaux ont organisé des projets de restauration autour de l’île. Le 18 septembre 2024, le ministère du Crabe a annoncé un partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). En collaboration avec les organisations susmentionnées, l’Organisation pour le développement humanitaire (HDO) et WeCAN, il est prévu de planter 1 000 plants d’espèces typiques des mangroves. Les organisations locales mènent des efforts de conservation des mangroves depuis des décennies. Le projet de conservation des tortues du Sri Lanka a réussi à restaurer 500 hectares de mangroves depuis le lancement du projet en 2005. Alors que certains ont mis en garde contre les dangers d’une mauvaise planification en matière de restauration, le gouvernement sri-lankais a publié les Directives nationales pour la restauration des écosystèmes de mangroves du Sri Lanka afin de garantir que ces efforts aient une chance réaliste de réussir.

Tourisme et environnement : amis ou ennemis ?

Malgré les efforts en faveur de la conservation, il semble que les gouvernements soient constamment amenés à mettre en balance le potentiel économique du tourisme et le devoir de préserver les environnements locaux. Comme dans de nombreux pays tropicaux, le tourisme est un secteur important de l’économie et de l’emploi au Sri Lanka. En 2024, le Sri Lanka a accueilli 2 053 465 visiteurs sur son territoire. Les revenus générés par le tourisme en 2024 se sont élevés à 3,2 milliards de dollars américains. S’il n’est pas géré correctement, le tourisme peut avoir un impact négatif sur la vie des habitants et mettre à rude épreuve l’environnement, entraînant le phénomène du surtourisme, une dépendance au tourisme et une répartition inégale des ressources.

Le développement urbain, comme la construction d’hôtels de luxe et la pollution constituent une menace majeure pour les mangroves du Sri Lanka. Même si l’abattage des mangroves est désormais illégal au Sri Lanka, on craint toujours des activités illégales dans la région, telles que le déboisement des mangroves pour des projets touristiques et de développement. Les déchets supplémentaires générés par le tourisme sont un autre facteur à prendre en considération. Les excursions en bateau augmentent le risque de mélange de carburant et d’eau, comme on le voit à Madu Ganga et Gangewadiya. Les touristes sont également connus pour contribuer au problème mondial de la pollution plastique, avec leurs produits à usage unique et leurs formats voyage. Les eaux non traitées provenant des déchets et des piscines sont souvent rejetées dans les écosystèmes de mangroves.

L’écotourisme durable : une solution viable

La population est de plus en plus consciente de la fragilité des écosystèmes et du réchauffement climatique. En conséquence, elle recherche désormais des formes de tourisme plus respectueuses de l’environnement. L’écotourisme est aujourd’hui une forme de tourisme en plein essor. Le Global Ecotourism Network (GEN) définit l’écotourisme comme « un voyage responsable dans des zones naturelles qui préserve l’environnement, soutient le bien-être des populations locales et favorise la connaissance et la compréhension grâce à l’interprétation et à l’éducation de toutes les personnes concernées (visiteurs, personnel et populations visitées) ». La lagune de Negombo, qui abrite de nombreuses forêts de mangroves, en est un exemple. La lagune attire des vagues de touristes tout au long de l’année, ce qui en fait un moteur économique essentiel pour la région. La destruction des mangroves va à l’encontre de la croissance du Sri Lanka. Les promoteurs immobiliers souhaitent construire des hôtels et des hébergements à proximité des forêts de mangroves afin de satisfaire les attentes des visiteurs en matière de voyage. Cependant, la destruction des mangroves élimine la principale raison de visite de nombreux touristes. S’il est mené correctement, l’écotourisme durable peut apporter des avantages aux communautés locales, aux petites entreprises, aux gouvernements et aux environnements de mangroves.

Le tourisme durable implique « des pratiques durables dans et par l’industrie du tourisme ». L’idée de tourisme durable est fortement ancrée dans la définition de l’écotourisme donnée par le GEN. Les cadres d’application aux mangroves se concentrent sur quatre stratégies proposées pour un tourisme durable dans les mangroves : (1) conservation et restauration, (2) politique et législation, (3) installations, ressources et infrastructures, et (4) participation et engagement de la communauté. D’autres pays ont adapté des modèles qui intègrent ces quatre composantes, en particulier l’engagement communautaire. La zone d’écotourisme de la mangrove de Batu Lumbang offre un exemple encourageant de la manière dont le gouvernement, les communautés locales et les entreprises privées peuvent collaborer pour favoriser une croissance économique durable et la conservation. À ce jour, des efforts similaires sont proposés au Sri Lanka.

Les touristes eux-mêmes jouent un rôle clé dans la réussite des projets d’écotourisme. Les visiteurs peuvent participer à des efforts de replantation, s’engager auprès des membres de la communauté locale via des visites éducatives et participer à des activités non destructrices pour la faune sauvage. L’éducation peut conduire à un soutien accru des efforts de conservation. Des études montrent que les touristes qui s’engagent dans l’écotourisme comprennent la nécessité de la conservation et sont prêts à payer pour cela. Lorsque des chercheurs ont proposé un fonds de protection de l’environnement pour la zone de mangrove du sud du Sri Lanka à des touristes étrangers et nationaux, ils ont constaté que la majorité des participants étaient prêts à payer, car ils pensaient que cela permettrait d’atténuer l’impact du changement climatique. Cela est particulièrement vrai pour les visiteurs sensibilisés à la nécessité de la biodiversité et à la destruction des zones de mangrove.

Optimisme pour l’avenir

Partout dans le monde, l’optimisme grandit quant au succès des efforts de restauration des mangroves, le rythme de leur disparition mondiale ayant ralenti depuis 2010. En 2024, l’ONU a déclaré le Sri Lanka « projet phare mondial de restauration » pour ses efforts de restauration des écosystèmes de mangroves. Il faut également souligner que le tourisme n’est pas la seule menace qui pèse sur les mangroves au Sri Lanka. Environ 43 % de la perte mondiale de mangroves entre 2000 et 2020 peut être attribuée à l’aquaculture, aux plantations de palmiers à huile et à la culture du riz. Cependant, grâce à une collaboration et une planification minutieuses, les pratiques touristiques durables peuvent garantir aux mangroves du Sri Lanka une chance de survivre.