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Blogue des stagiaires

Pas dans ton assiette? OGM, pesticides, et les dangers présents dans nos aliments

Roman Zacharij via Wikimedia, edited by Éliane Boucher (CC-BY-SA)
Les humains modifient génétiquement les plantes et les animaux depuis des milliers d’années en sélectionnant les traits les plus bénéfiques de ceux-ci (Kurzgesagt, 2017). Les traits sous-entendent une expression de gènes. Ainsi, à chaque génération, certains gènes deviennent plus prononcés.  De fait, après des milliers d’années, presque toutes les plantes et tous les animaux autour de nous sont devenus vastement différents par rapport à leur stade prédomestique (Ibid.).

Toutefois, le principe de modification des organismes génétiquement modifiés (OGM) est différent. À la place de faire un élevage sélectif en espérant tomber sur de meilleurs traits, il est possible de choisir les traits désirés dans un laboratoire. Selon la Commission de l’éthique en science et en technologie du Québec, un OGM est un microorganisme, une plante ou un animal dont le patrimoine génétique a été modifié par génie génétique pour lui attribuer des caractéristiques qu’il ne possède pas du tout ou qu’il possède déjà, mais à un degré jugé insatisfaisant à son état naturel (MAPAQ, s.d). Un organisme peut aussi être modifié pour lui enlever ou atténuer certaines caractéristiques jugées indésirables. Par exemple, il est possible de rendre les fruits plus gros, de donner l’immunité contre des maladies et des insectes nuisibles à une plante et plus encore. Depuis les années 1990, la technique la plus utilisée pour créer des OGM est la transgénèse. Celle-ci transfère des gènes entre des espèces ou variétés qui ne pourraient pas être croisées ou autofécondées naturellement (Ibid.). Au Canada, les seuls OGM autorisés sont les plantes et les microorganismes.

Les critiques des OGM sont principalement liées à la technique, soit la manipulation aléatoire des gènes, et à ses conséquences, telles que l’instabilité génétique accrue, la possibilité de recombinaison génétique, et plus encore (Vigilance OGM, s.d (e)). De surcroît, ces critiques pointent aussi les impacts environnementaux néfastes sur la santé et sur l’agriculture ainsi qu’au contrôle du vivant par brevets, à la dissémination dans les écosystèmes de certains OGM et à l’usage des pesticides auxquels ils sont résistants (Ibid.).

Impacts sur l’environnement

Lorsque les OGM ont vu le jour dans les années 70, les compagnies biotechnologiques avaient promis que leurs productions allaient être saines pour l’environnement puisque, ceux-ci permettraient de réduire l’usage des pesticides (Vigilance OGM, s.d (a)). Toutefois, il est possible de constater que 88% des OGM sont créés pour tolérer un herbicide et que ce type de culture a participé à faire augmenter l’utilisation des pesticides. En fait, les plantes tolérant un herbicide sont faites pour pouvoir pulvériser celui-ci sur l’ensemble des cultures concernées dans le but de se débarrasser des « mauvaises herbes » sans avoir à prendre de précautions vis-à-vis des plantes cultivées (Générations Futures, s.d).

Vigilance OGM, un organisme anti-OGM québécois, soutient que les cultures génétiquement modifiées propagent un modèle agricole de monocultures intensives, fortement dépendant des intrants pétroliers comme les pesticides, les engrais chimiques, et les transports. Les pesticides peuvent persister dans l’environnement pendant plusieurs décennies et ceux-ci représentent une menace globale pour tout l’écosystème dont dépend la production alimentaire. En surcroît, l’usage excessif de pesticides contamine les écosystèmes aquatiques et les sols, ce qui entraîne une réduction de la biodiversité, la destruction de populations d’insectes bénéfiques pour les cultures ainsi qu’une baisse de la valeur nutritionnelle des aliments causée par l’altération de l’absorption des nutriments de la plante (Ibid.).

Un autre problème majeur des OGM est que ceux-ci réduisent la diversité génétique des plantes et des animaux dans l’environnement (Landry, 2015). La diversité génétique est reliée à la biodiversité, soit à la variabilité des traits des organismes qui composent un écosystème. Le maintien de celle-ci est essentiel pour l’environnement et l’agriculture puisqu’elle augmente la variabilité de l’ADN et offre une meilleure opportunité aux organismes de s’adapter aux changements dans leur milieu (Ibid.). Par ailleurs, les OGM peuvent aussi affecter la diversité génétique par la croissance incontrôlée d’une population génétiquement modifiée. Ainsi, si des gènes avantageux sont introduits dans les OGM, cela peut leur permettre d’être plus performants que leurs proches sauvages (Ibid.). Cette situation pourrait être néfaste, car les OGM se développeraient plus rapidement et se reproduiraient plus fréquemment, leur permettant de prendre les ressources des parents non-OGM. Cela pourrait donc conduire à l’éradication d’espèces sauvages (Ibid.).

Impacts sur la santé

Comme vu plus tôt, les OGM sont liés de façon significative à l’usage de pesticides. L’un des pesticides les plus utilisés est le glyphosate. La compagnie agrochimique Monsanto, une grande productrice d’OGM, a longtemps soutenu que le glyphosate était biodégradable et sans danger (Vigilance OGM, s.d (b)). Cependant, en 2016, les «Monsanto Papers» ont révélé que la firme savait depuis 1999 que son produit était potentiellement cancérigène. Toutefois, cet herbicide est très présent dans notre environnement et dans notre alimentation.

Malheureusement, peu d’études examinent les risques des OGM sur la santé, mais certaines mentionnent les effets négatifs associés à l’usage des pesticides. Le manque d’études scientifiques indépendantes rend difficile la gestion proactive du risque des OGM puisqu’il y a une méconnaissance des conséquences non anticipées dues au caractère aléatoire de la manipulation génétique (Ibid.). En dépit de la volonté de mener des études sur les OGM, les brevets et le puissant lobbying des grandes compagnies de génie génétique freinent la possibilité de ce faire, étant donné que les compagnies doivent donner leur autorisation (APFFB, 2001). D’ailleurs, les données de recherches privées ne sont pas rendues publiques, ce qui ne permet pas de valider les résultats de recherche des entreprises privées.

De plus, l’évaluation des risques des OGM au Canada est critiquée. En effet, Santé Canada approuve des aliments génétiquement modifiés sans réaliser de tests d’innocuité. Selon la Commission de l’éthique, de la science et de la technologie alimentaire, les exigences réglementaires dans les processus d’approbation, de contrôle et de surveillance des OGM doivent être augmentées (CEST, 2003). Par ailleurs, en 2001, le groupe d’experts de la Société royale du Canada sur l’avenir de la biotechnologie alimentaire a signalé des catégories de risques pour la santé humaine tels que la création de nouvelles substances toxiques, la création de nouveaux allergènes ainsi que la résistance aux antibiotiques (APFFB, 2001).

Selon le ministère d’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation du Québec, les aliments génétiquement modifiés possèdent potentiellement une plus grande quantité d’allergènes (MAPA, s.d). Ainsi, la protéine produite par le gène inséré pourrait se révéler toxique ou allergène selon la capacité de notre organisme à la digérer ou non. Malheureusement, il n’existe pas de test unique pour évaluer l’allergénicité potentielle des OGM. En surcroît, plusieurs études ont révélé des signes de toxicité des OGM sur certains organes tels que les reins et le foie. Des maladies chroniques peuvent apparaître avec la consommation de ces produits et des lésions au niveau des organes peuvent survenir. Vigilance OGM soutient que la toxicité des OGM et des pesticides doit être évaluée par des études à long terme afin de pouvoir faire une analyse précise de ces produits (Vigilance OGM, s.d (b)). Toutefois, ce genre d’études est rarement mené par des organismes indépendants.
Impacts politiques

Un petit nombre de compagnies biotechnologiques disposent d’un grand monopole sur les pesticides et les OGM (Vigilance OGM, s.d (c)). Les compagnies Monsanto et Bayer, Dow et Dupont ainsi que Syngenta et ChemChina contrôlent plus de 65% des ventes mondiales de pesticides et 61% des ventes de semences commerciales, causant des conflits d’intérêts d’ampleur non négligeable.  Ceux-ci utilisent leur hégémonie et leur puissance financière afin d’influencer les décisions politiques: un rapport à l’Assemblée nationale de l’ONU rapporte que ces industries utilisent des pratiques commerciales agressives pour arriver à leurs fins. Ces industries ne rencontrent pas toujours d’opposition, ce qui leur permet d’agir de manière non éthique (Nations Unies, 2017 : 4). Malheureusement, les gouvernements peinent à instaurer des mesures afin de protéger la santé des populations ainsi qu’à instaurer et promouvoir des alternatives à l’agriculture actuelle, qui est dépendante des pesticides et des OGM (Vigilance OGM, s.d (c)).

Vigilance OGM dénonce le fait que le Canada ne fonde pas sa réglementation des OGM sur les données scientifiques (Ibid.). En fait, le gouvernement effectue le contraire puisqu’il ne réalise aucun test de sécurité, il se fie à l’information fournie par l’entreprise qui demande l’approbation du produit, puis il ne divulgue pas les informations au grand public ni aux scientifiques indépendants. Le seul document public publié par le gouvernement est un résumé de la décision d’approuver un produit qui est mis en ligne lorsque la décision a déjà été prise (Ibid.). Aucun document clair n’explique comment et pourquoi le produit a été approuvé.

L’autorisation par les gouvernements de l’octroi de brevet pour les OGM fait en sorte que les compagnies de biotechnologies ont un monopole sur la sélection végétale. Pourtant, depuis des siècles, les paysans améliorent les variétés végétales en utilisant des méthodes traditionnelles et non invasives (Brac de la Perrière, 1999 : 24). Ces compagnies de biotechnologies utilisent donc ces semences dans un but purement capitaliste, en ne tenant aucunement compte des problèmes que cela cause aux petits paysans, notamment ceux des pays du Sud global, qui sont souvent peu soutenus par leur gouvernement. Les graines « Terminator » en sont un bon exemple (Kurzgesagt, 2017). Ces plantes stériles conçues par des compagnies multinationales telles que Monsanto obligent les agriculteurs à acheter de nouvelles semences à des prix élevés chaque année. Cela participe donc à ruiner les petits paysans qui peinent à profiter de leurs récoltes. Les cultures génétiquement modifiées ont failli à leur promesse d’accroître le revenu des agriculteurs du Sud mondialisé (RCAB, 2015 : 23). On a fait croire que les semences génétiquement modifiées étaient avantageuses pour les petits agriculteurs pauvres, mais les rendements n’ont pas systématiquement augmenté et le prix des semences et des autres intrants s’est avéré nettement plus élevé. Ainsi, en Inde, par exemple, un paquet de coton GM Bt peut coûter trois à huit fois plus que des semences hybrides non génétiquement modifiées.

Par ailleurs, les semences transgéniques sont coûteuses et gourmandes en intrants agricoles. De plus, l’agriculteur n’a pas le droit de conserver celles-ci pour ses prochaines semailles et il n’a pas le droit de les croiser avec d’autres variétés (Brac de la Perrière, 1999 : 24). Ce qui est inquiétant est que cette révolution génétique risque d’entraîner une nouvelle vague d’intensification de l’agriculture et la disparition programmée de millions de petits paysans. Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières note que, chaque année, des milliers d’agriculteurs quittent leur terre afin de rechercher un travail sous-payé puisque l’agriculture n’est pas suffisante pour subvenir à leurs besoins (AVSF, s.d). Par ailleurs, 80% des personnes souffrant de la faim à travers le monde sont des paysans.

Malgré le fait que les OGM visent à augmenter les rendements des cultures, cette augmentation est seulement possible dans les conditions idéales, soit lorsque les cultures sont bien irriguées et bénéficient de conditions climatiques favorables (Fournier, 2017). Lorsque, par exemple, le coton est utilisé dans les petites fermes qui dépendent de la variabilité climatique, celui-ci pousse moins bien. Ainsi, les paysans pauvres qui choisissent les OGM tout en étant dans ces conditions ne récupèrent pas leur investissement initial. De fait, de nombreuses fermes de coton, notamment en Inde, font faillite puisqu’elles n’ont pas réussi à dégager de surplus financiers suffisants pour compenser leur investissement initial.

Que peut-on faire pour protéger la diversité génétique?

Malgré le fait qu’il y a peu de preuves que les OGM ont eu un effet sur la diversité génétique de l’environnement actuel (dû en partie au manque de recherche sur le sujet), les scientifiques et les écologistes sont très au courant du potentiel d’influence que les OGM ont sur la biodiversité (Landry, 2015). En raison des impacts environnementaux, politiques et sur la santé, il s’avère primordial d’éviter d’encourager cette industrie multimillionnaire qui contrôle les semences et court à la ruine des paysans.

Il est à noter que quatre cultures composent plus de 99% des OGM commercialisés dans le monde: le soya, le maïs, le coton et le canola (Vigilance OGM, s.d (d). Toutefois, il faut faire attention aux produits transformés puisqu’une vaste majorité contient des dérivés de soya, de maïs ou de canola. Il est estimé qu’environ 75% des produits transformés contiennent des dérivés issus de cultures génétiquement modifiées (Ibid.). De fait, une proportion importante des produits fabriqués par de grandes compagnies comme Kraft, Kellogg’s, General Mills, Campbell’s en plus des produits des grandes chaînes d’épiceries telles que IGA, Métro et Loblaws contiennent des OGM. Cependant, la majorité des cultures génétiquement modifiées se retrouvent dans l’alimentation animale: elles sont donc indirectement ingérées par les humains via la viande, les œufs, le lait et d’autres produits venant des animaux.

Malgré l’absence d’étiquetage obligatoire, il est possible d’éviter ce type de cultures. Actuellement, l’un des seuls moyens d’éviter les OGM est de choisir des produits certifiés biologiques ou sans OGM tels que Écocert Canada, Québec Vrai, Aliments bio du Québec, Biologique Canada, USDA Organic et NON-GMO Project (Ibid.). Vigilance OGM recommande fortement de ne pas acheter des produits transformés contenant l’une des 4 grandes cultures d’OGM. Ainsi, la meilleure solution est de consommer des produits frais et biologiques, et, si possible, locaux afin d’encourager les producteurs de notre biorégion. À plus long terme, il s’avère nécessaire de changer la norme de la monoculture industrielle afin de s’orienter vers des modèles agricoles durables et plus respectueux envers la faune et la flore tels que l’agroforesterie et la permaculture.

 

Références

Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) (s.d) Paysans en voie de disparition.

BRAC DE LA PERRIÈRE, Robert Ali (1999) Graines suspectes : les aliments transgéniques : une menace pour els moins nantis. Éditions Charles Léopold Mayer. Paris, France.

Générations Futures (s.d) OGM et OGM cachés : des risques pour la santé, l’environnement et l’agriculture.

Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPA) (s.d) Site du gouvernement du Québec sur les OGM, section : Toxicité et allergies liées à la présence du gène inséré. 

An expert panel on the Future of Food Biotechnology (EPFFB) (2001) Elements of precaution: Recommendations for the Regulation of Food Biotechnology in Canada.

Commission de l’éthique, de la science et de la technologie (CEST) (2003) For the ethical management of GMOS.

FOURNIER, Clément (2017) Les OGM seraient-ils inadaptés face aux changements climatiques? You Matter, 4 septembre 2017.

Kurzgesagt (2017) Les OGMs, bon ou mauvais? Notre alimentation et les modifications génétiques, Kurzgesagt – In a Nutshell.

LANDRY, Heather (2015) Challeging Evolution : How GMOs Can Influence Genetic Diversity. Harvard University, 10 août 2015.

Ministère de l’Agriculture, Pêcheries et Alimentation du Québec (MAPAQ) (s.d) Qu’est-ce qu’un OGM? 

Nations Unies (2017) Rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation.

Réseau Canadien d’Action sur les Biotechnologies (RCAB) (2015) Rapport 4 : Les OGM sont-ils bénéfiques pour les agriculteurs?

Vigilance OGM (a) (s.d) Impacts sur l’environnement, Vigilance OGM. 

Vigilance OGM (b) (s.d) Impacts sur la santé, Vigilance OGM.

Vigilance OGM (c) (s.d) Impacts sur la politique, Vigilance OGM.

Vigilance OGM (d) (s.d) Où sont les OGM, Vigilance OGM.

Vigilance OGM (e) (s.d) Qu’est-ce qu’un OGM?, Vigilance OGM.