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Ressources minières et crise en RDC : les organisations internationales sont-elles utiles ou complices ?

Crédit photo : Pixabay/Domaine public

L’accord sur les minéraux entre l’UE et le Rwanda : Défis éthiques et contrôle international

En février 2024, l’Union européenne (UE) et le Rwanda ont signé un accord visant à stimuler l’industrie minière rwandaise et à garantir une chaîne d’approvisionnement durable en matières premières. L’accord visait à financer le développement de l’infrastructure minière et à renforcer la position du Rwanda sur les marchés mondiaux des minéraux. Toutefois, ce partenariat s’est heurté à d’importantes préoccupations éthiques et géopolitiques, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en minerais provenant de régions touchées par des conflits.

L’industrie minière du Rwanda et les préoccupations éthiques

Malgré l’engagement de l’UE en faveur d’un approvisionnement responsable, des éléments de preuve sont apparus qui relient le Rwanda à des opérations minières illégales, en particulier dans les régions riches en minerais de la République démocratique du Congo (RDC). Le président rwandais Paul Kagame a publiquement reconnu le rôle du Rwanda dans la contrebande de minerais en provenance de la RDC, un pays en proie aux conflits armés et à l’instabilité1. Un rapport publié en 2022 par Global Witness a révélé que 90 % des minerais exportés du Rwanda provenaient de la RDC, ce qui suscite de vives inquiétudes quant aux pratiques d’approvisionnement de ces matériaux. Les ressources minérales de la RDC sont depuis longtemps associées au financement des conflits, divers groupes armés, dont les rebelles du M23, contrôlant des zones stratégiques riches en minerais tels que le coltan, l’étain et le tungstène2.

La réponse de l’UE et le conflit en RDC

Malgré ces questions éthiques, l’UE et le Rwanda ont fait avancer l’accord, reconnaissant les risques associés à l’approvisionnement en minerais provenant de zones touchées par des conflits. Les deux parties se sont engagées à améliorer la traçabilité et la transparence de leurs chaînes d’approvisionnement afin de répondre aux préoccupations croissantes concernant les violations des droits de l’homme dans la région. Toutefois, la situation est devenue plus litigieuse lorsque le groupe rebelle M23 a lancé des offensives dans le Nord-Kivu en mars 2024, s’emparant de sites stratégiques tels que Kanyabayonga et Kirumba. Des rapports indiquent que le Rwanda a fourni un soutien militaire aux rebelles du M23, qui cherchaient à étendre leur contrôle sur des zones riches en minerais3. Alors que le M23 avançait pour la première fois dans le territoire de Lubero, les estimations suggéraient qu’environ 4 000 soldats rwandais combattaient aux côtés des rebelles4. L’investissement de l’UE au Rwanda – malgré ces liens avec des activités déstabilisatrices en RDC – a soulevé des questions quant à l’engagement de l’Union en faveur des droits de l’homme et de la stabilité régionale.

Réactions et contrôles internationaux

Ce partenariat n’a pas été exempt de critiques internationales. Des pays comme l’Allemagne ont suspendu toute nouvelle aide financière au Rwanda en réponse aux allégations de soutien aux rebelles du M23. Le ministère allemand du développement a exhorté le Rwanda à cesser de soutenir les rebelles, qui ont gagné du terrain dans l’est du Congo et se sont emparés de précieuses ressources minérales depuis janvier 20255. Cette démarche diplomatique a mis en évidence la tension entre les efforts de développement international et la responsabilité éthique dans les zones de conflit. En février 2024, le Parlement européen a également condamné l’occupation de Goma et d’autres territoires dans l’est de la RDC par le M23 et les forces rwandaises, appelant à la suspension de l’accord sur les minerais. Les députés européens ont exprimé leur inquiétude quant aux violations des droits de l’homme et à l’atteinte à la souveraineté de la RDC6.

La crise humanitaire en RDC

Le conflit en cours a eu des conséquences humanitaires dévastatrices. Depuis janvier 2025, au moins 7 000 personnes ont été tuées et plus de 600 000 ont été déplacées. La situation reste instable et l’on craint que le conflit ne s’étende à une guerre régionale plus large impliquant les pays voisins7. Le rôle des organisations internationales dans de telles crises a également été critiqué. La Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUSCO), établie en 1999 pour mettre fin aux guerres du Congo, a été confrontée à des réactions négatives de la part des citoyens congolais. L’incapacité de la MONUSCO à prévenir la violence et à protéger les civils a suscité des protestations, en particulier à la suite de son incapacité à empêcher la prise de Bukavu par les forces de Laurent Nkunda en 20048.

Responsabilité internationale et considérations éthiques

Ces développements soulèvent d’importantes questions sur l’intégrité des organisations internationales dans les zones de conflit. L’implication continue d’organisations telles que l’UE et la MONUSCO auprès d’États et de dirigeants impliqués dans des violations des droits de l’homme risque d’alimenter le sentiment de complicité. Les Nations unies ont également été critiquées pour leur réponse aux livraisons d’armes qui alimentent le conflit. Amnesty International a appelé à des embargos complets sur les armes pour toutes les parties impliquées dans des conflits comme celui de la RDC, avertissant que la poursuite des livraisons d’armes risquait de favoriser de nouvelles violations du droit international9.

La voie à suivre : Des partenariats internationaux éthiques

L’accord sur les minerais entre l’UE et le Rwanda et les difficultés rencontrées par la MONUSCO soulignent la complexité des efforts internationaux dans les régions touchées par les conflits. Bien que l’objectif de ces partenariats puisse être le développement économique et la paix, les conséquences imprévues telles que les violations des droits de l’homme et l’instabilité régionale montrent la nécessité d’une approche plus prudente et plus éthique. Pour éviter toute complicité, les organisations internationales doivent s’engager à faire preuve de transparence, de responsabilité et de respect des droits de l’homme. Les partenariats doivent être examinés plus rigoureusement et des mesures doivent être prises pour garantir le respect du droit humanitaire international. Comme le montre la situation en RDC, le chemin vers la paix et le développement est semé d’embûches qui exigent une compréhension nuancée des dynamiques locales, une neutralité inébranlable et des mécanismes solides de responsabilisation.

 

Notes et références

1. Global Witness (2022). Rwanda’s Role in the Illicit Mineral Trade. Récupéré de : https://www.globalwitness.org

2. ibid.

3. The Times (2025). Dr Miracle tells the West: Stop ignoring our war. Récupéré de : https://www.thetimes.co.uk/article/democratic-republic-congo-rwanda-conflict-dr-denis-mukwege-cdz56n03d

4. ibid.

5. Deutsche Welle (DW) (2025). Germany suspends financial aid to Rwanda. Récupéré de : https://www.dw.com/en/germany-suspends-aid-to-rwanda-over-dr-congo-rebel-links/a-68212951

6. European Parliament (2024). Debate on the use of sexual violence as a weapon of war in the Democratic Republic of the Congo. Récupéré de : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/CRE-10-2024-12-17-INT-2017008904395_EN.html

7. Reuters (2025). Children face lethal violence, rape in east Congo war. Récupéré de : https://www.reuters.com/world/africa/children-face-lethal-violence-rape-east-congo-war-2025-02-24/

8. United Nations Peacekeeping (2024). MONUSCO: Mission and Mandate. Récupéré de : https://peacekeeping.un.org/en/mission/monusco

9. Amnesty International (2024). DRC: Arms embargo urgently needed to prevent war crimes. Récupéré de : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/03/drc-arms-embargo-urgent/