Honduras et COVID-19 : à l’écoute des besoins des Honduriennes

© Federación de Organizaciones de Trabajadores y Trabajadoras del Sector Social de la Economía de Honduras (FOTSSIEH)
Dans le plus récent échange avec nos partenaires, Florencia Quesada, coordinatrice du Centre de Soutien aux Femmes au Honduras, nous a fait part de l’impact qu’a eu la pandémie sur le pays. La mise sur pied du Centre de Atención Integral para la Mujer Emprendedora (CAIME) fait partie de notre projet au Honduras qui a comme but de réaliser l’autonomisation des femmes et des filles de l’économie informelle. L’inauguration du Centre aura lieu du 20 au 25 novembre 2020 à travers plusieurs activités d’information, de mobilisation, et de sensibilisation dans les départements de Atlantida, Francisco Morazan, et Cortés, ainsi qu’une programmation proposée à travers la plateforme de visioconférence Zoom. 
La création de ce Centre va permettre de développer et de réaliser, entre autres, des formations de renforcement des capacités des femmes et des filles de l’économie informelle, une dynamique de solidarité autour de leurs droits, mais aussi des campagnes nationales et régionales contre la violence faite aux femmes.

 

PARTIE 1 : CONTEXTE GÉNÉRAL ET PROBLÉMATIQUES DU PAYS

Alternatives : Quelle a été l’ampleur de la pandémie au Honduras ?

Florencia Quesada : Malgré les statistiques sanitaires, le plus grand inconvénient a été l’endettement de l’État pour faire face à la COVID-19. Lors de l’élaboration des politiques publiques pour la gestion de la pandémie, certains secteurs ont été privilégiés, comme le secteur financier et certains Ministères, comme InvestH et Copeco. Il y a eu une implémentation discriminatoire et sélective des restrictions sanitaires envers les usines textiles pour la production externe et le secteur agro-industriel. Dans le domaine social, le système de santé s’est effondré.

A: Quels sont les principaux problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels le pays fait face ? 

FQ : Sur le plan politique, malgré la crise sanitaire, les partis politiques ont poursuivi leur campagne de prosélytisme, oubliant la perception de crise politique qui, pour la population, s’est aggravée après 2009 alors qu’ils continuaient à négocier des réformes électorales et la préparation des élections primaires prévues pour mars 2021.

Sur le plan social et économique, la pandémie a entraîné le chômage, la perte de près de 200 000 emplois, et la suspension des contrats de travail (pour lesquels il n’existe pas de statistiques). La paralysie du système d’éducation a accru la violence au sein des ménages. En général, le ralentissement économique a entraîné une perte de revenus, une augmentation du panier de base et l’accélération des processus de privatisation. L’autorisation de la dette pour la pandémie a accru les actes de collusion entre les politiciens et les entreprises privées, et la corruption en général.

Quant au secteur informel, les travailleur·euses ont été lésé par le confinement obligatoire puisqu’ils·elles ont dû interrompre les ventes pendant des mois, ce qui a généré une augmentation de l’endettement.

A : Est-ce que l’on juge que l’attitude du gouvernement hondurien est satisfaisante vis-à-vis la COVID-19 ? 

FQ : L’État s’est endetté par des décrets d’urgence (jusqu’en avril, il y avait sept décrets) à hauteur d’environ un milliard de lempiras (un peu plus de 53 millions en dollars canadiens). Il a imposé la mesure globale de confinement, mais sans mesures de supervision et de contrôle, et ces fonds ont été détournés à d’autres fins que l’information, la prévention et le traitement de la COVID-19. La corruption a détourné l’utilisation des fonds. Et en ce qui a trait au confinement, aucune mesure générale n’a été prise pour que l’ensemble de la population bénéficie de primes ou de nourriture.

A : Quelles lacunes du Honduras et de son régime ont été révélées par la Covid-19 ? 

FQ : La pandémie a souligné la corruption, le manque de politiques sociales publiques, l’absence de stratégie pour faire face à une crise sanitaire, entre autres problèmes.

A : Quels sont les effets pervers, s’il y en a, des restrictions imposées sur la mobilité ? 

FQ : Le droit à la libre circulation est limité à un déplacement par semaine et les transports publics ne sont que partiellement opérationnels. Certains bureaux de l’État étant fermés, certains services sont inaccessibles à la population.. Il est donc impossible de procéder à un contrôle social indépendant, de déposer des plaintes ou d’organiser des manifestations au sein de la société civile.

A : Quelles sont les populations les plus vulnérables ou les plus affectées par le manque de services essentiels et non essentiels mais aussi par les mesures mises (ou pas mises) en place par le gouvernement ?

FQ : Les populations qui vivent dans une région du pays où la présence de l’État est faible, ou quasi nulle, manque de centres de santé, d’écoles, et d’opérateurs de la justice et souffrent de problèmes généraux d’infrastructure. Cette population est vulnérable car le manque de sécurité a augmenté le nombre d’attaques physiques, sexuelles et verbales contre les femmes et les enfants.

PARTIE 2 : CHANTIERS DE RÉFLEXION ET ALTERNATIVES

A : Quelle a été la réponse de la société civile, notamment des différents mouvements sociaux pour faire face aux différentes problématiques que traverse le Honduras ? 

FQ : En raison des restrictions imposées sur la mobilité dans tout le pays et de la fermeture des institutions et des organisations de l’État, les organisations non gouvernementales ont choisi d’utiliser leurs réseaux sociaux comme plateformes pour informer et sensibiliser la population. Ces moyens ont aussi été utilisés pour expliquer le confinement obligatoire, mais aussi les problèmes qui existaient avant la pandémie et la manière dont ceux-ci se sont aggravés pendant la COVID-19. Par exemple, les ONG ont fait un travail de sensibilisation autour du travail précaire dans les secteurs des usines textiles et de la construction, des licenciements dans le secteur des services et l’augmentation de la violence, en particulier envers les femmes et les filles, en plus des massacres. Bien qu’elles soient actuellement en cours de réouverture, certaines organisations continuent de fonctionner en télétravail.

A : Quelles sont les alternatives nées au niveau de la société civile à travers la pandémie pour répondre aux besoins de la population ?

FQ : En gros, la société civile a mené des activités d’information et des enquêtes de perception sur la manière dont l’État gère la pandémie mais aussi sur le suivi social des fonds provenant des Ministères impliqués dans la prévention et le traitement de la COVID-19.

A : Comment votre organisation envisage-t-elle l’après-COVID au Honduras ? Quels changements espère votre organisation observer et soutenir ?

En termes de reprise économique, des projets ont été proposés pour les organisations des zones rurales. Par exemple, il y a quelques propositions pour la création de micro-entreprises d’élevage et de commerce, prises en charge par les femmes du secteur de l’économie informelle. Nous souhaitons continuer les activités de plaidoyer auprès des autorités et institutions du pays pour  des lois visant la protection des droits socioéconomiques des travailleur·euses du secteur informel, notamment pour une plus grande sécurité sociale. De plus, nous voulons développer des alliances avec d’autres secteurs de la société civile pour dénoncer la violation de droits socioéconomique de l’ensemble de la population. Finalement, nous allons continuer à dénoncer la violence de genre et renforcer les capacités des femmes (empowerment) afin de les aider à contrer cette violence.

PARTIE 3 : MISE À JOUR DE NOS PARTENAIRES 

A : Quelle est la situation de votre organisation actuellement en lien avec la COVID? Comment le fonctionnement de votre ONG a-t-il été affecté par la COVID au niveau notamment de votre programmation ?

FQ : Notre organisation est actuellement confrontée à un retard réel de 4 mois d’activités en raison du confinement obligatoire, mais des activités sont menées en personne et d’autres par des méthodes audiovisuelles et à distance. L’organisation est active et effectue un travail remarquable pour remplir ses obligations envers ses bailleurs.

A : Pendant combien de temps exactement avez-vous été en confinement et situation de télétravail ? Qu’est-ce que cela a représenté pour votre organisation et employés ? 

FQ : Notre confinement a commencé le 14 mars et s’est terminé par notre intégration complète dans le travail sur place le 11 juin 2020. Nous travaillons maintenant dans un environnement de présentiel et de libre mobilité.

A : Quelles sont les problématiques que soulève la nouvelle situation de télétravail ?

FQ : Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu d’autres difficultés que celles rencontrées habituellement telles que des problèmes de connectivité et de technologies numériques, dans certaines régions de l’intérieur du pays, en raison des infrastructures ou des types d’appareils personnels.

*Cette entrevue a été traduite de l’espagnol et éditée pour des fins de publication.

Entrevue réalisée par Delphine Polidori, étudiante en dernière année à McGill en science politique, développement international et environnement, dans le cadre de son stage à Alternatives.